Je vais partir, m’envoler, planer, je pense que c’est ce que je préfère. Alors laisse-moi te livrer ici brièvement le secret de ce qu’est pour moi la création : une délicieuse alchimie, des sons qui montent, qui flirtent avec l’atmosphère, qui percolent, qui font en sorte que la magie opère. Le flot de mots, cet afflux de lettres est provoqué par la musique. J’écrivais ce soir pour le roman. L’histoire se passe en 2001. 2001, te souviens-tu ? La valse d’Amélie.
Alors pour accompagner ma plume ce soir, Yann a bercé mon clavier. Au moment où j'écris, la mutine jeune femme s’éclipse et réapparait sur la pointe de ses ballerines sur Not That Simple. Je réécoute en boucle le morceau. Foutue manie ! Elle me conduira certainement à une totale démence. Elle me rend très vraisemblablement aussi insupportable. Pauvres voisins ! Les instants débutent par des tapotements de machine à écrire, des tressautements harmonieux de touches.
Dehors, la nuit, je lutte contre une envie de caféine. Je ne réfléchis pas. J’ai tant de choses à écrire. Cela est surprenant, cela est amusant, cela en est quasi désopilant, une partie encore de ce délire qui vient de se réveiller. Il s’étire tel un vieux chat à demi endormi sur la table de ma cuisine.
Tu viens de m’envoyer un message, un documentaire sur François Mauriac. J’aurais dû te demander la chaîne, me précipiter dans la culture, me vautrer dans la connaissance, m’emplir la tête à en faire vibrer le cœur. J’aurais dû. Je crois que je suis bien trop accro, une fois que je suis lancée aux mots, je ne peux les lâcher. Ils sont là, ils me prennent en otage, me vissent à la chaise. Amélie est complice, elle tient mes poignets. La vilaine m’oblige à presser les lettres. Ecrire pour ne rien dire, écrire pour le plaisir, écrire pour l’emportement, pour un état d’extase, pour le bonheur de laisser glisser les doigts au rythme de l’accordéon, des lumières mordorées qui s'impriment dans ma tête.
La folie va consister aussi à publier ce texte après une brève relecture. Juste avant d’éteindre le PC pour prolonger le plaisir. Brut. Juste l’émotion d’un moment.