T.U.E.R (sur le son d’Alex Paradoxe)

 

Le soleil inonde les terrasses. Ses reflets sur les vitres des immeubles miroitent sur les façades et y tatouent de vastes graffitis de lumière. Sa journée achevée, elle abandonne le bureau, l’esprit léger. Les photons l’inondent. Les libres électrons la prennent, tournoient, s’infiltrent dans ses cheveux. Le bleu du ciel emplit d’azur ses yeux. Elle ouvre sa besace, en retire le casque audio, l’ajuste sur ses oreilles, son index glisse sur l’écran gris à la quête du morceau qu’il lui a envoyé dans l’après-midi. Une brise de printemps s’engouffre sous le manteau ouvert sur sa poitrine. La musique la grise. Sur le parvis, les éclats et les pulsations l’emportent au rythme du vent qui soulève sa jupe.

 

Elle cale ses pas sur leurs vibrations, elles colorent ses joues de grenade, elle s’avance sur les promenades. Elle ferme les yeux, les battements en elle palpitent, elle sourit, écarte les bras. Sous l’œil médusé des passants, d’un geste leste, elle saute sur le rebord d’une balustrade qui surplombe le tramway. Des personnes crient, veulent la rattraper, certains dégainent leurs smartphones. La musique l’électrise

 

« IL NE FAUT PAS TUER LES GENS ».

 

Plus fort le son ! Il la mord, il crache, son âme arrache. Elle trace. Une doc devant l’autre, les bras en balancier, le menton relevé, sa couette au vent, pied de nez à la foule, svelte et aérienne, elle accélère. La fille abimée file au bord du vide, flirte avec l’abîme. Elle rit, ses tympans éclatent. Fin du promontoire, elle atterrit. Ses pieds retrouvent le sol, sur les dalles bruyamment claquent. Elle détale. Vite. Les escaliers. Elle les descend, presse le pas, frappe fort les marches, les agresse. « PAS DE CRASH DE PIED A TERRE… ELLE AIME L’ODEUR DE L’ECHAPPEMENT, LE FUEL, LA VILLE, SON PALPITANT… ».

 

Elle titube, vrille. Sa cervelle grille. Rue du Palais Gallien. Le son prend ses entrailles, elle déraille. Allure en saccade d’une poupée mécanique aux billes bleus fixes. Droit devant. « TUER NON NON ». Elle frôle les passants, effleure les bordures, respire le bitume et les échappements. 

 

Une amertume ses lèvres inconsciemment parfume. Elle accélère. Accélère encore. Toujours. L’échappement de la ville en firmament. Son manteau flotte derrière elle. Plus vite. « IL NE FAUT PAS TUER LES GENS ». La musique la contrôle, elle la possède, l’obsède, l’enrôle. Rue Fondaudège. Se jeter sous les rames. Elle les traverse. Rue Demons.

 

 

Jardin public.

 

Elle franchit la grille. Les corps sont affalés sur les pelouses, à demi inertes sous la douceur printanière, fébriles. Un vieux sec comme un noyau de datte recroquevillé sur un banc jette un œil suspicieux. Une femme grossièrement fardée enserrée dans un lycra noir, le pas lourd et le fessier brillant, court. Un couple s’enlace. Un père trop empressé pousse sa fillette récalcitrante au pédalage sur un tricycle orange. Dans sa tête l’orage. Elle pose sa besace. Regarde vers le ciel, plisse les yeux. Ils balaient rapidement les êtres affalés lascifs sur les massifs. Elle hurle, crache de ses poumons son mal être.

 

« BLACK OUT TOTAL ».

 

Sa doc repousse le rabat du sac. Claquement. D’un geste sec et rapide, elle plie son corps, le tend, le détend. Un flingue. Il brille sous le soleil qui lentement décline. Doigt sur la gâchette. Rythme en boucle dans la tête « IL NE FAUT PAS TUER LES GENS ». Le froid du métal. Ambiance létale. Les sons s’acharnent, la désincarnent. Alarme. La rage l’engage. L’humanité la quitte. Sentir juste l’arme. Masse percutante elle appuie sur la détente. Fracas. Dans le tas. Sur l’herbe verte autour d’elle, dans les graviers, du rouge. Le sang partout éclabousse.

 

« VOUS AVEZ ETE MALENCONTREUSEMENT ASSASSINES ».

 

 

 

 

DESILLUSIONS

 

Se dépose un rabat sur de puériles convictions. Elle se débat contre son implosion. Tel est donc ici son stérile monde, tituber dans un jeu de lego, se heurter à de distendus ego. Elle se sent ridiculement inutile...