Larme

Debout dans la cuisine, reins appuyés contre le plan de travail, elle scrute le mur. Entre dans le dur.

L’œil cille, elle défaille. Elle l’a dessiné voilà plus d’un an, dans un élan, expédiant un regain de flammes qui sans cesse l’assaillent. Elle se décale. Pense que son esprit se détraque, sourit. Mais les cils à nouveau battent et dans sa poitrine son cœur se débat. Rêve-t-elle ? Cette paupière esquissée en espoir d’une trêve sur une bande en lambeaux de guerre, peut-elle se mouvoir ? Elle s’avance.

Sur la paroi, lentement pose un doigt. Sur le trait de la caroncule essuie une légère trace humide. Le regard tronqué pleure. Le sol de son appartement des malheurs de ces quêtes fétides, subitement se jonche et dans un assourdissant silence la plonge. La noirceur, les bombes, la douleur, le sang, les tombes.

Le confort de sa vie ici lui demande des efforts d’équilibre, mais elle se brûle en se noyant dans l’obscurité criante du destin brisé de ceux nés là-bas, dans les bras de terres ensanglantées dont ils sont arrachés, spoliés pour le pouvoir, l’orgueil d’une ridicule poignée. Doucement, ses larmes se mêlent à la poussière de craie, dans ses entrailles s’avivent des plaies. Quel est de tous ces massacres le sens ? Gaza mais aussi Ukraine, Soudan, Mali, Syrie…

A quand chez les dirigeants, la conscience du vide le sacre ? De l’essence de la vacuité, l’innocuité ?